Première définition extraite du répertoire
de jurisprudence de 1827 de M. Merlin :
ABENEVIS : Terme usité dans la Bresse, pour
signifier la permission qu'un seigneur donne aux particuliers de convertir
à leur usage quelques droits publics, à la charge de lui
payer un cens. V. Philibert Collet, dans son Traité sur les
statuts de Bresse.
Ce mot d'Abénévis ou de Rénévis
est aussi usité dans plusieurs autres pays de droit écrit.
Suivant de Laurière, " Abénévis, dans le Lyonnais
et les pays voisins, signifie en général toute concession
qu'un seigneur fait à quelqu'un, sous quelque redevance, mais
particulièrement une concession d'eaux, pour faire tourner des
moulins, ou arroser des prés. Cette concession est ainsi nommée,
parce que le seigneur la fait moyennant une redevance qu'il fixe, et
qu'il aborne ou abonne. Car bénéviser, abénéviser,
n'est autre chose que fixer, aborner; et dans le Lyonnais, une dîme
abénévisée, un servis abénévisé,
ne sont autre chose qu'une dîme et un servis abournés ou
abonnés. Ducange, sur le mot benevisum, fait venir bénévis
de beneficum. V. le même auteur, aux mots Allodium habere
in aliquâ re, tome 1 , page 147 " (Glossaire du Droit français
, au mot Bénévis.)*
Henrys emploie aussi les termes d'abonné et d'abénévisé,
comme synonymes, mais son annotateur observe qu'ils ont cependant une
signification différente. " L'abonnement (dit-il)
est une convention, et l'Abénévis est une concession.
Le premier se peut faire entre toutes sortes de personnes et le second
ne peut être accordé que par le seigneur haut-justicier,
qui accorde à un emphytéote quelque privilége.
" (Bretonnier, sur Henrys, tome 1 , liv. 1 , quest. 37.)
Cet auteur ajoute, comme de Laurière, que, quoique le terme d'Abénévis
convienne à toutes les concessions faites par le seigneur, il
se pratique néanmoins lu plus souvent pour la concession des
eaux, quand le seigneur permet à un emphytéote de prendre
de l'eau dans un ruisseau ou dans un étang, pour la conduire
sur ses héritages.
" Pour moi, j'ai vu des inventaires et des partages du Lyonnais
où le mot Abénévis était employé
indifféremments pour toutes sortes, de rentes ou de redevances.
" ( M. Garran de Coulon.)
[[Aujourd'hui, les redevances seigneuriales qui ont été
crées par des Abénévis sont supprimées.
V. la loi du 17 juillet 1793, et les articles Cens, Fief, sect. 2, §
6; et Rnete seigneuriale (sic).]]
Extrait de :
Répertoire universel et raisonné de jurisprudence - M.
Merlin - Ancien procureur à la cour de cassation.
GARNERY, LIBRAIRE, RUE DE L'OBSERVANCE N°10 - J.P. RORET, QUAI DES
AUGUSTINS, N°17 BIS - MDCCCXXVII
Seconde définition extraite de l'ouvrage " Le Régime
féodal dans le pays de Saint-Etienne " par J-B Galley 1927
LE BENEVIS
A côté de la cession de la terre consentie par le seigneur
sous la forme du bail emphytéotique, certaines parts lui restaient
dont il était le maître incontesté ; et ces parts
n'étaient rien moins que les chemins et les espaces libres de
la circulation publique et les cours d'eau même les plus infimes.
Conséquence : nul ne. pouvait disposer d'une part si faible qu'elle
soit de la voie publique, d'un courant d'eau de si petit débit
qu'il soit, sans une autorisation du seigneur accordée contre
un prix à débattre et une redevance annuelle et perpétuelle
qui marquait la condition de l'usage concédé.
Dans la région lyonnaise, les actes qui accordaient ces autorisations
étaient dits actes de benevis ou d'abenevis, benevisium. Les
mentions de ces actes sont fréquentes aux terriers. C'était,
sur la voie publique, des autorisations pour les empiètements
de tous genres : étages en encorbellements, galeries, escaliers
extérieurs, seuils dépassant l'alignement de la maison,
etc., etc., canalisations profondes ou de surface pour conduites d'eau
ou égouts, etc.
C'était, pour les cours d'eau, toutes les dérivations
en vue d'installations industrielles ou d'irrigations ; les plus petits
ruisseaux ne pouvaient être détournés dans les prés,
complètement ou en partie, sans le benevis seigneurial. Il y
a exemples de benevis pour la dérivation des eaux pluviales coulant
dans les chemins.
Il va de soi que les prix de ces autorisations, comme ceux des redevances
annuelles étaient divers, en relation avec l'importance débattue
du service rendu. Les redevances inscrites aux terriers sont en général
très faibles, comme le cens.
Pour citer exemple de ces contrats de benevis, je n'ai qu'à signaler
ceux qui ont été récemment publiés (1) et
à en retenir deux pour les voir de près.
L'un consenti par l'abbaye de Valbenoîte le 5 juin 1642, au profit
de Noël Roussier, est la cession de l'usage d'un petit délaissé
au bord d'un chemin "ne servant qu'à mettre les immondices
des habitans les plus proches ", usage cédé au prix
de 40 liv. tournois et d'une redevance annuelle d'un sol tournois ;
et cet " abevenis " est comme une vente.
Le second est l'autorisation donnée, le 25 mai 1657, par Gilbert
de Saint-Priest à Jean Palluat " de mettre des levées
ou haussures à long ou à travers des grands chemins...
pour prendre et percevoir les eaux pluvialles et autres descendans et
deeouIans par lesd. chemins... et icelles faire conduire... pour l'irrigation
et abrevage desd. prez, fonds et possessions "..., moyennant le
prix de 132 livres et la redevance annuelle de 12 deniers.
Je pourrais multiplier les exemples : le terrier de Saint-Priest de
1515 signale une autorisation cappiendi et congregartdi in unum, aquas
pluviales et alias tabentes per iter pablieum quo itur de Sancto Stephano
ad Sanctum Annemundum a trivio de la Monta ad grangiam Hugonis Floreton
(2).
Dans les actes que je viens dé citer - dans tous les actes de
benevis - le bénéficiaire reconnaît une redevance
annuelle et, en plus, le prix du benevis, une fois payé ; ce
prix est souvent qualifié " droit d'introge " introgium.
Pierre Gras (3) signale une redevance dite de " festage "
ou "faîtage " festagium; acquittée pour la construction
des maisons.. Il a même relevé dans l'acte de franchise
de Villereys une redevance dite festragium (peut-être pour fenestragium)
pour le droit d'ouvrir une fenêtre, d'étaler à une
fenêtre. Je n'ai rien vu qui m'ait semblé un précédent
de notre impôt de frimaire an VII.
(1) Notes et documents pour servit à l'hist. de Saint-Etienne
et de sa région, pp. 17, 62, 75 et 79.
(2) Rép. 74 de Jean Pierraffol.
(3) Glossaire,.. au tome III de de la Mure-Chantelauze